Mon Bol d'Or 2003 (1)

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J e rentre d'un petit tour au Bol d'Or, en Futura bien sûr. 1200 bornes dans le week-end... même pas fatigué. La Futura est quand même bien aidée par les autoroutes (A9, A71, A75). Un vrai plaisir quand même, sauf peut être la traversée du plateau de la Margeride (entre 1000 m et 1100 m) sous la pluie. Brrrr... c'est froid, même en s'abritant bien derrière la bulle, vraiment très efficace si on se baisse un peu : plus un souffle d'air sur le casque.


Quelques motos sur la route, mais surtout au relais Calmos de l'aire du Larzac. Quel plaisir de se laisser porter par la Futura : à 4500 T/mn reprises en souplesse, confort excellent de l'assise (pas mal aux fesses), les bornes défilent et les voitures sont passées en revues sans coup férir.


Arrivée à Magny-Cours, l'approche du circuit est très facile (gendarmes partout, panneautage abondant). Dans l'enceinte, recherche d'un bout de terrain sur le camping : là ça devient galère. Il est 19 heures Vendredi, et tout paraît déjà plein, ou au moins "réservé" : des piquets de bois plantés partout avec en guise de palissade des kilomètres de ruban de chantier rouge et blanc. Au milieu quelques motos et des "gardes" improvisés qui défendent avec âpreté leur petit lopin de Paradis : non ici c'est réservé, ici aussi...

- mais il n'y a pas de palissade ?

- oui mais on attend du monde...

Trois jours après ils attendaient encore... quelle patience quand même.


Finalement je m'installe sur un bout de talus qui n'a pas retenu l'attention de nos conquérants graisseux dont le besoin en espace vital s'explique par la nécessité :

* installer la voiture ou le fourgon qui transporte tout leur matériel, même les motos;

* poser une vague table sur trétaux pour supporter leurs caisses de bière ;

* aligner leurs cannettes vides le long de leurs nouvelles frontières;

* installer un vague feu de bois;

* puis disposer de quatre fois autant de place pour étendre leurs jambes, aller vomir de temps en temps, et poser des motos à musique pour mélomanes très avertis.


Mon bout de talus a un gros avantage, il est à l'écart des groupes les plus bruyants.


Je monte ma tente toute neuve, achetée pour l'occasion. Non sans mal, vous connaissez. Trois minute m'a dit le vendeur chez Décathlon... au bout d'une heure je me dis que je suis vraiment naze à chercher la porte d'entrée de la toile extérieure... ah si, la voilà. Un quart d'heure après, tout est OK.


Un sandwich vite avalé et tour du camp...


Alors là, c'est l'extase : jamais entendu autant de bruit que ce vendredi soir. Des motos hurlent en agonisant leur rupteur, des échappements s'explosent de carburant tout frais chargé jusqu'à la gueule en lançant des langues de flamme de 50 cm ou plus, des moteurs de camions à même le sol sur des chassis de fortune vrombissent des trombes de fumée dans un grondement sourd, des japonaises à l'agonie font hurler leurs quattre pattes dans des tonalités sur-aigües, des engins biscornus traversent le camp dans un bruit d'enfer : 4L coupées derrière le siège conducteur, ancien monkey transformé en tricycle, mini moto de cirque (pas plus de 60 cm de long sur 30 de haut), des motos hors d'âge foncent sur les allées empierrées dans des tourbillons de poussière... Vraiment, une ambiance assez hallucinante. Ma dernière (et première) visite au Bol date de 1973 (oui, j'y vais tous les 30 ans... c'est comme ça) : je ne me rappelle absolument pas un tel déchaînement de fureur.


C'est le grand défoulement collectif, la méga mécano-thérapie, avec un zeste de bière et un soupçon de Pastis... très gros le soupçon et très épais le zeste.


J'arrive près des tribunes d'Adélaïde et là, sur un carré de bitume qui ne doit pas excéder six mètres de côté, un invidu qui burne comme un malade au milieu des encourragements d'une foule en délire. Il est bientôt remplacé par un autre qui ne tarde pas à être désarçonné sous les rires et les lazzis de la même foule en délire qui vient d'échapper de justesse au lâcher sauvage de 900 cm3 de bestialité. Plus tard il rejoint son campement avec sa belle Hornet (que d'Hornet, que d'Hornet, comme disait Mac Mahon) presque toute neuve, son pneu arrière en lambeau, roulant autant sur la jante que sur les vestiges de son gommard. Chaud, chaud l'ambiance... et ça n'arrêtera pas des trois jours.


Je rentre à la tente relativemment dubitatif : j'ai appris des tas de choses dont j'étais à vingt mille lieues... mais pas sous les mers quand même. On lit, on s'informe, on Moto-Revute, on Moto-Journale). C'est bizarre tous ces jeux modernes : lire et voir, sont deux choses bien différentes.


Je me couche, quand même raisonnablement alors que dehors le charivari continue, vaguement estompé par l'éloignement. Fatigué par une longue journée et les émotions des dernières heures je m'endort tranquillement. Cela dure jusqu'à environ trois heures, car soudain à 5 mètres de ma tente, un moteur se met à déchirrer le silence dans des hurlemments mécaniques qui m'arrachent les tympans, les oreilles et jusqu'aux orteils. Bordel, qu'est-ce qui se passe... je bondis, j'ouvre et là je vois l'un des membres du groupe en face qui essore comme un malade la poignée d'un vielle Suzie quattre pattes en faisant des gammes : des grands coups d'accel d'abord, puis la poignée à fond : le moteur rupte puis repart 500 tours plus bas, rupte à nouveau et ainsi de suite dans une suite ra ta ta, ra ta ta ta, ra ta ta dont la ligne mélodique exacte ne m'apparaît pas très clairement. Elle est entrecoupée de magnifiques explosions dans le pot, d'abord trois de suite, puis deux. Celà donne ra ta ta ta, poh, poh, poh, ra ta ta ta, poh, poh...


A ce moment, quelques protestations dans les tentes, mais bientôt un second essoreur de poignée lui répond sur une probable Fazer-Stradivarius, puis un troisième dans un concert qui se prolonge une bonne demi-heure. Quand il s'arrête, victime de l'innextinguible soif des musiciens, tout le monde se recouche rassuré. A ce moment même une sono branchée je ne sais comment se met à débiter 200 watts des derniers tubes à la mode pour le plus grand bonheur des fêtards d'en face : 5 bonshommes, 3 femmes, 2 motos et un transit, tous plus allumés les uns que les autres.


A cinq heures enfin tout cela s'arrête et ma partie de camp semble totalement endormie. C'est le moment que choisit un énergumène pour ballader sa japonaise aux petites heures de l'aube... bien entendu, celle-ci a grand besoin de se défouler et de donner de la voix : grand coups d'accélérateur, essorage de poignée jusqu'au rupteur, et  ra ta ta, ra ta ta ta, ra ta ta ....


Oh, quelle nuit... chantait Sacha Distel. Je crois que je ne suis pas près de l'oublier C'était le 12 septembre 2003 et j'y étais. Bon je pense que vous êtes plus affranchis que moi et que vous connaissez tout ça.


Le lendemain, début des épreuves dès 9 heures. Coupe Hornet 900, un brouillard à couper au couteau, mais le beau temps est annoncé par la République du Centre ou je ne sais quel canard dont les élucubrations météorologiques nous sont racontées en détail par le speaker. Evidemment la course est retardée de 10 minute et il doit meubler... rassuré par sa lecture il se fait à son tour devin et prédit : brouillard le matin est signe de beau temps  pour la journée. Le pauvre il s'est légèrement planté et le soleil n'est apparu qu'à 15 heures (normal c'était le départ du bol).


Gros succès de la Hornet 900 Cup : je suis tout seul dans la tribune d'Adélaïde et je suis certain que nous ne sommes pas plus de 20 sur le circuit. Il faut dire que les concurrents sont dans le même cas : 9 en tout et pour tout. Oui, la Hornet 900, ça plaît...


Ensuite course du challenge protwin, finale du championnat : alors là, ça parle grave, Ducatis 998 et 999, Aprilia (la RSV mille, évidemment). Les japonnaises se font discrètes : 3 Honda VTR, 5 Suzies TLR sur 53 candidats... Superbe bruit, ça déménage sérieusement.

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